Née en 1926 à Paris, Monique Levi-Strauss, chercheur en histoire des textiles, est une spécialiste du cachemire français au XIXe siècle. Elle publie plusieurs beaux livres sur cette douce étoffe, notamment Cachemire, et Cachemires parisiens à l'école de l'Asie – 1810-1880.
En 2014, c'est dans un tout autre registre qu'elle prend la plume, avec Une enfance dans la gueule du loup, le témoignage poignant de petite fille et d'adolescente juive en Allemagne aux heures du nazisme conquérant.
Femme de l'illustre Claude
Levi-Strauss, Monique Levi-Strauss
explique "J'ai donc attendu
presque soixante-dix ans pour livrer mes souvenirs décharnés."
Et l'on comprend qu'il lui ait fallu ce temps pour comprendre cette incompréhensible décision que prend son père en 1938. Celle d'emmener sa femme juive et leurs enfants s'installer en Allemagne à Wesel, une petite ville sur la rive droite du Rhin : une entreprise allemande qui fabrique des coffrages lui a proposé un poste d'ingénieur-conseil pendant deux ans, une proposition séduisante qu'il a acceptée.
Ses amis et ses enfants l'alertent "Mais Maman est juive, on ne peut pas se jeter dans la gueule du loup", mais
il n'en a cure, persuadé que leur nationalité belge les protégera du conflit et des persécutions.
Et, le 15 mars 1939, le jour où Hitler envahit la Tchécoslovaquie, la famille part s'installer outre-Rhin "Maman ne voulait pas
refuser d'aller en Allemagne, car il menaçait d'y emmener les enfants sans elle."
Monique Levi-Strauss raconte
avec une sorte de froideur déroutante cette période sur laquelle elle se retourne soixante-dix ans plus tard et tente d'expliquer un choix aussi incompréhensible que dangereux. Un choix qui amène
une adolescente à suivre sa scolarité dans un pays dont elle maîtrise si peu la langue et en cachant ses origines juives.
Une situation terrible où les bombardements des alliés sont souhaités autant que craints, dans un pays où écouter radio Londres peut conduire à la mort.
La fin de la guerre arrive et Monique part vivre aux États-Unis avec sa mère. Mais Paris lui manque, au grand dam de sa mère : "Pour ma mère me voir renoncer à devenir américaine et quitter les États-Unis était un crève-coeur. Elle accepta parce qu'elle me voyait dépérir et
qu'elle avait confiance en moi."
Revenue en plein cœur de l'effervescence intellectuelle parisienne, Monique rencontre Jacques
Lacan,
le premier illustre homme qui lui confiera la traduction de ses travaux, avant de la recommander à… Claude
Levy-Strauss.
Une histoire personnelle racontée avec une objectivité rendue possible par le temps passé et la colère contre l'inconscience paternelle digérée.
Monique Levi-Strauss nous parle de son témoignage Une enfance dans la gueule du loup.